ACHILLE DUCHÊNE
Achille Duchêne est né à Paris en 1866.
Il intègre très tôt l’agence paternelle et, dès l’âge de douze ans, y fait ses classes, participant à tous les travaux.
Achille Duchêne a attaché son nom à quantité de créations et de restaurations de parcs dont les plus fameuses restent : Breteuil, Courances, Vaux-le-Vicomte, Le Marais, Voisins, Blenheim, de jardins de villes, tels ceux de Matignon ou de la Maison de l’Amérique latine, à Paris, mais aussi à des constructions et des rénovations d’hôtels particuliers et de châteaux.
Peu de pays étrangers ne l’ont pas accueilli : Achille Duchêne fut appelé aux Etats Unis d’Amérique, en Argentine, en Russie, en Roumanie, en Belgique, en Angleterre, en Espagne, en Autriche…
L’historien des jardins, Ernest de Ganay analyse son art avec justesse : « Il faut admirer ce sens si averti qu’il a témoigné de l’art du passé, que cependant il se gardait bien de copier servilement : il l’appelait seulement au service d’une restauration sans défaut. Il ne faudrait pas croire, en effet, que ce grand artiste fut un pasticheur ; dans plus d’un jardin, il a su interpréter comme il convenait l’art régulier en l’adaptant au temps présent. 6»
L’exemple même de l’immense chantier de Voisins, mené en étroite collaboration avec le propriétaire du lieu, le comte de Fels. On se trouve confronté à un genre particulier de création, que l’on peut dire de « spéculation historique », puisqu’il s’agit, en effet, de mettre en œuvre le « style Louis XVII », un dernier avatar du style régulier, réduit à une sorte d’épure, tendant vers l’abstraction la plus parfaite.
Le parc, très bien conservé de nos jours, témoigne du génie d’Achille Duchêne qui tient pour une large part à son intelligence aiguë de la topographie, à sa parfaite maîtrise technique ainsi qu’à sa capacité de mettre sa vaste culture historique au service d’inventions proprement modernes.
On retrouvera cette même force d’innovation spatiale dans l’une de ses créations les plus originales : l’aménagement d’un site exceptionnel - aujourd’hui disparu - Le Tréport Terrasse qui, grâce à l’arrivée du chemin de fer en 1873, devait devenir l’une des villégiatures les plus à la mode de la côte normande.
A Vaux-le-Vicomte, chef-d’œuvre de l'architecte Louis Le Vau, du peintre Charles Le Brun et du jardinier André Le Nôtre, là encore, on fait appel à Achille Duchêne pour restaurer cette propriété abandonnée.
« Ce fut Achille Duchêne que l'on appela pour parfaire l'incomparable restitution des jardins de Vaux, et c'est ce même architecte qui rendit au grand Parterre les broderies de buis, aux superbes rinceaux, qui, dès le XVIIIe siècle, avaient fait place à des pièces de gazon bordées de bandes de fleurs, suivant la mode de l'époque, où la décoration de buis était tombée en défaveur.
Nous ne saurions faire un plus grand éloge des jardins de Vaux, si nous disions que, à parcourir ces parterres, à visiter ces cascades, nul ne pourrait se douter que ces lieux aient jadis été abandonnés, puis restaurés : ils semblent n'avoir jamais faibli et paraissent véritablement sortis d'hier des mains de Le Nôtre. 7
Achille Duchêne, à la suite de la guerre de 1914-1918 et des changements radicaux intervenus dans la vie de ses commanditaires, constate que les projets paysagers de la haute société se raréfient.
Dans divers textes, dont Les jardins d’hier, d’aujourd’hui et de demain,8 il affirme qu’il n’y a plus d’avenir pour les « grands parcs aristocratiques » et qu’il faut désormais concevoir des jardins plus petits et plus facile d’entretien.
Il y livre sa conception de nouveaux types de parcs, comme le jardin social.
En même temps, Achille Duchêne s’impose des thèmes paysagers et crée, à cette occasion, une série de très beaux dessins spectaculaires, conservés au Cabinet des Arts graphiques du Musée des Arts décoratifs, tel Théâtre de verdure à l’intérieur d’un cratère en Islande.
Ernest de Ganay qui avait l’habitude d’accueillir en public Achille Duchêne en disant « Voici, le Prince des Jardiniers » rappelle le rôle des Duchêne :
« Ils avaient tracé la voie, ou plutôt remis le jardin français dans sa vraie voie, la voie de la tradition, reprenant l’ancienne formule pour rétablir autour des anciennes demeures qui en avaient été dépouillées.
Une fois ces jardins restaurés, la leçon apparaissait, désormais vivante, et l’évolution du style devait naturellement se produire, puisqu’elle partait de sa base, condition sans laquelle tout art nouveau risque d’être mort-né…
Il n’est point paradoxal d’affirmer que c’est grâce à cette réaction que nous devons actuellement le progrès de l’art des jardins, nettement affirmé depuis quelques lustres. Toute une école nouvelle compose aujourd’hui les plus ingénieux et les plus fantaisistes à la fois des jardins modernes 9».
1, 4, 5 - Henri Duchêne, Lettre, 1897
2 - Jardin régulier = « Jardin à la française »
3 - Alfred Darcel, Étude sur l’architecture des jardins,Paris, Dunod, 1875
6 - Ernest de Ganay, Les jardins de France, Paris, Larousse, 1949
7 - Ernest de Ganay, Beaux Jardins de France, Paris, Plon, 1950.
8 - Achille Duchêne, Les jardins d’hier, d’aujourd’hui et de demain, Paris, Fréal, 1935
9 - Ernest de Ganay, Les jardins de Jacques De Wailly, L’Architecture, 15 janvier 1935